Les Textes

« L’UTOPIE » de Thomas More, livre paru en1516.
Homme politique et humaniste anglais, Thomas More (1478-1535) rêve d’un autre monde…

  • «Malheur au pays où l’avarice et les affections privées siègent sur le banc des magistrats !» Ce cri aux résonances si modernes, c’est en 1516 que le lance Thomas More, juriste au service de la couronne d’Angleterre alors portée par Henri VIII. Triste sire, triste règne… Abus, corruption, racket, injustices, iniquité des lois… La société féodale offre un tableau d’une violence révoltante aux âmes éprises d’humanité. More rêve alors d’un autre monde… Une république exemplaire où la propriété individuelle et l’argent seraient abolis, une république de citoyens vertueux, amoureux de sagesse et de paix. Ce pays merveilleux, c’est l’Utopie. Seuls les philosophes, hélas, ou les fous, sont capables d’y croire… »

Livre étrange qui conte le voyage fictif dans une île imaginaire, l’île d’Utopie, qu’entreprit un certain Raphaël Hythloday ( en grec » habile à raconter des histoires »)
autre extrait de L’Utopie
voir aussi l’ article de Keith Watson, professeur à l’Université de Reading.
et l’article très critique de Michel Onfray
Dessin paru dans SINE HEBDO n°48 du 5/08/09

L’Utopie, Thomas More  et le Choisinet

L’origine du mot « utopie » remonte à Thomas More. Ce dernier fut l’un des grands humanistes du début du  16° siècle, ami d’Erasme et  de Henry VIII d’Angleterre  (  l’archétype pour Barbe Bleue et contemporain de François Ier ), dont il fut le  Conseiller puis le Chancelier. ( Le roi lui fera trancher le cou, lorsque More s’opposera au divorce d’avec Catherine d’Aragon et au remariage avec Anne Boleyn – duquel naîtra Elisabeth Ier-  ) Le livre, « Utopie », fut publié en 1516 , aux Pays Bas, dans une époque particulièrement troublée par les guerres et les misères. C’était aussi  l’époque de la découverte du Nouveau Monde, des débuts du commerce, de la société capitaliste moderne…
« Utopie » signifie «  nulle part ». La société d’Utopia est le produit d’une imagination libre de l’auteur, libre mais pas désordonnée pour autant. Une imagination guidée par la sagesse, l’esprit de géométrie. Or, comme  la sagesse n’existe nulle part, More choisit de l’appeler « Utopia ».  Contemporain du « Prince », de Nicolo Machiavel, à Florence, l’ouvrage de More en est le contre-point : l’imagination gouvernée par la sagesse, face à  un précis de real- politique inspiré par les leçons de l’histoire. Il n’est pas interdit, enfin, d’apercevoir derrière ce type de représentation ( le « Neverland » de Peter Pan, le  « Nowhere-land » du Sargent Pepper des Beatles et, pourquoi pas,  le «  ranch de Neverland » de M. Jackson…)  une pointe d’humour anglo-saxon.
La postérité s’est employée à déformer le sens du mot «  utopie ». Le scepticisme des hommes et la coalition d’intérêts divers ( on parlerait aujourd’hui de lobbies) l’ont tiré dans la direction d’une entreprise chimérique, irréalisable…une illusion, un mirage. Or, rien de cela n’est correct. Les utopistes, y compris le premier d’ entre eux, Thomas More, du 16° siècle à nos jours, sont des hommes d’action clairvoyants, critiquant certes avec humour l’ordre existant mais certains que celui-ci doit être réformé en profondeur. Ils sont aussi persuadés que leur entreprise est réalisable.
A preuve tout d’abord : l’Ile d ’Utopie, vue par Th. More.  Contre-point du « Prince », elle est aussi une contre-image positive de l’Angleterre de l’époque. « Utopia » est située dans le monde réel  mais en « négatif »  ( au sens photographique). Son conquérant-fondateur, Utopus, en a fait un île, en coupant un isthme, pour la séparer du Continent. On a des cartes d’ « Utopia » : c’est une île en forme de croissant, ouverte au reste du monde. « Utopia » contient cinquante-quatre villes grandes et belles, où la langue, les lois, les mœurs et les institutions sont identiques.  Ces villes sont bâties sur le même plan.  La capitale est « Amaurote ». Le sénat, institution politique,  répartit de manière équitable les ressources produites ( le PIB d’Utopie). La terre cultivable est partagée entre les  « familles agricoles» composées de quarante hommes et femmes et deux esclaves. Le service agricole est obligatoire et dure deux ans. La propriété privée est abolie. La famille est honorée. L’adultère est puni de l’esclavage et de mort, si récidive.  Avant le mariage, la chasteté est de rigueur…il n’est pas certain que le modèle de  « Utopia » plaise à tout le monde de nos jours !
A preuve encore : les nombreuses  tentatives pour réaliser des utopies sociales. On pense aux utopies « socialistes » de Fourrier, Proudhon, Considérant …( Marx, quant à lui, prétendait fonder le socialisme sur la science de l’histoire et vilipendait les « socialistes utopiques »). Des phalanstères furent créés ici ou là. Qui ne se souvient de l’entreprise « Godin » (celle des fourneaux), ou de la « nouvelle Helvétie », de Johann August Suter, en Californie du Nord. Son histoire, véritable mais à peine croyable, fut superbement rapportée par Blaise Cendrars. L’une et l’autre ont disparu; la première emportée par le développement économique qui avait pris un autre chemin, l’autre ruinée par la découverte de l’or sur les terres du Sacramento.
A preuve enfin :  les utopies architecturales. Si le projet de ville idéale de Claude Nicolas Ledoux, au 18°siècle ne put voir complètement le jour, devant l’impécuniosité des finances royales, les premiers bâtiments furent édifiés, pour les « Salines royales de Chaux », où ils forment une superbe esquisse de pierre, demi-cercle mystérieux au cœur de la forêt, restauré et, depuis, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, hommage posthume à l’architecte de Louis XV  !. Et que dire de la « Cité radieuse » érigée sur le Bd. du Prado à Marseille, par le Corbusier et bel et bien habitée ? Les Marseillais, sceptiques, l’appellent  « la maison du  Fada ? ». Mais si vous passez par là, vous la  verrez juchée sur de gigantesques pilotis; nouvelle « Utopia », elle a été séparée du Continent, ici dans la dimension verticale, par son créateur !
Le Choisinet enfin ! Là, « Utopia » fut détruite par les éléments naturels semble-t-il : le feu, l’eau et le vent. Mais allez au théatre de l’Arentelle ; vous y verrez, sur une vaste table dans le Foyer, une maquette des bâtiments conventuels, d’habitation et de l’Eglise dont Bruno Hallauer envisage la restauration. Vous ne pourrez pas résister à l’impression d’être face à une sorte d’île.  Je ne peux pas m’empêcher pour ma part, de voir dans  cette tentative de restauration de l’utopie dévastée par l’orage, un indirect mais somptueux hommage rendu, au grand humaniste de la Renaissance, Chancelier  de Henry VIII d’Angleterre.
TEXTE de Jean Pierre DALLOZ, membre de l’Association
Une célèbre expérience
Le FAMILISTERE de Jean Baptiste André GODIN . Ce célèbre fabricant de poêles voulait donner aux ouvriers des conditions de vie exceptionnelles. Il fit construire une sorte de Palais social , habitations collectives de conception audacieuse et ingénieuse, mettant ainsi en pratique la 1ère expérience d’utopie sociale à grande échelle
cf. article de SINE HEBDO
cf. article  du MONDE
et visiter le site du Familistère de Guise

dessin utopie

Les « UTOPISTES » et leurs écrits
ou les lieux utopiques dans les écrits…
La CALLIPOLIS de Platon : extraits de La République
UCHRONIE de Charles Renouvier : extrait
La république des philosophes ou l’histoire des Ajaoiens de Bernard de Fontanelle: extrait
STAHLSTADT : La cité de l’acier de Jules Verne : extrait de « les cinq cents millions de la Bégum »
La nouvelle ATLANTIDE de Sir Francis Bacon : extrait
La cité du soleil de Tomasso Campanella : extrait
Le livre du nouveau monde moral de Robert Owen : extrait
Ces 7 extraits sont tirés du site de l’école alsacienne
1984 de Georges Orwell : extraits. Voir le site Les pages culturelles d’EnkiEa et le site de L’Académie de la Réunion
Mon utopie d’Albert Jacquard : extraits avec présentation de l’éditeur et une analyse critique du livre. Voir le site Zidées de Mars
Archéologie du futur- le désir nommé utopie de Frédéric Jameson cf site Mouvements des idées et des luttes et voir le blog de Christian Colbeaux Psychiatre et Psychanalyste
voir aussi ‘Utopie, l’histoire et les différents utopistes de Thomas More à nos jours  sur le site Wikipédia
Les études et écrits sur les utopistes

  • « Nombreux ont été, au cours des siècles, ceux qui tentèrent de jeter les bases d’une société meilleure que celle dans laquelle ils vivaient ou qui, mal adaptés à leur milieu, s’en évadèrent en se livrant aux jeux les plus fantaisistes de l’imagination. Quelles jurent, du. point de vue démographique, les différentes idées des utopistes concernant les questions de nombre, de natalité, d’organisation sociale et d’eugénisme?                                                                                                                  Quelles ont été les réalisations effectives qui, bien plus tard parfois, donnèrent raison à des auteurs jugés hardis, voire extravagants, au siècle où ils écrivaient et qui, cependant, ont joué un rôle non négligeable dans l’évolution de la conscience sociale? »

Texte extrait de « La population vue par les utopistes » d’Hélène Bergues dans Poulation n°2 année 1951- volume6 – cf site Persée revues scientifiques

  • « La disparition de l’utopie amène un état de choses statique, dans lequel l’homme lui-même n’est plus qu’une chose. Nous serions alors en présence du plus grand des paradoxes imaginables : l’homme qui a atteint le plus haut degré de maîtrise rationnelle de l’existence deviendrait, une fois démuni de tout idéal, un pur être d’instincts ; et ainsi, après une longue évolution tourmentée, mais héroïque, ce serait précisément au stade le plus élevé de la prise de conscience, quand l’histoire cesse d’être un destin aveugle et devient de plus en plus la création personnelle de l’homme, que la disparition des différentes formes de l’utopie ferait perdre à celui-ci sa volonté de façonner l’histoire à sa guise et, par cela même, sa capacité de la comprendre »

Texte de Raymond Ruyer (1902 – 1987)  un penseur et philosophe français du XXe siècle. Formé à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, professeur de philosophie à l’université de Nancy il est l’ auteur (en autre) de  « l’utopie et les utopies »
voir aussi le site de Bernard WERBER :   » Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu »